Handicap : des talents dans le secteur du numérique
Selon Numéum, le principal syndicat professionnel du numérique en France, il manquerait près de 10 000 ingénieurs en informatique sur le marché français. Et plus de 200 000 postes seront à pourvoir dans ce secteur d’ici 2025. Du coup, les entreprises se livrent une bataille sans merci pour attirer ces profils : surenchères salariales, expérience employé… Mais malgré ces tentatives, elles peinent à recruter. Pour atteindre leurs objectifs, certaines d’entre elles ont décidé de faire un pas de côté et de se mettre à prospecter autrement en diversifiant les profils. Dans l’étude Agefiph x Ifop sur « Le plein emploi des personnes en situation de handicap » publiée à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), 64% des employeurs interrogés estiment que les difficultés de recrutement pourraient les inciter à embaucher des travailleurs en situation de handicap. Et si la « guerre des talents » dans le secteur du numérique permettait de booster l’emploi des personnes en situation de handicap, voire d’envisager leur plein emploi ? Rencontre avec trois entreprises qui sont passées à l’action avec #THalent Digital.
Que ce soit pour gérer leurs IT, exploiter leur data, veiller à leur cybersécurité ou explorer le potentiel de l’intelligence artificielle, tous les secteurs d’activité sont à l’affût de profils spécialisés dans les métiers du numérique. Et la crise sanitaire, qui a accéléré la digitalisation de nos pratiques, n’a fait qu’augmenter la tension existant sur ce marché. Face à ce besoin croissant de compétences, les profils types, à savoir les ingénieurs titulaires d’un Bac +5 avec, si possible, un parcours linéaire, ne suffisent plus à répondre à la demande. En parallèle, fin décembre 2021, 474 171 personnes handicapées en recherche d’emploi étaient inscrites à Pôle emploi, constituant un vivier de talents disponibles. Pourtant, les personnes en situation de handicap restent sous-représentées dans les formations et les métiers du numérique. Afin de faire matcher les deux variantes de cette équation, des professionnels du handicap, des organismes de formation professionnelle et des entreprises engagées ont lancé l’initiative #THalent Digital, pilotée par l’Agefiph. L’objectif de ce programme national d’investissement des compétences, déployé sur l’ensemble du territoire ? Dénicher des candidats motivés parmi les salariés d’entreprises adaptées ou les travailleurs handicapés demandeurs d’emploi quel que soit leur parcours ou leur situation personnelle puis proposer aux heureux élus des formations professionnalisantes accessibles, sur mesure et financées ainsi qu’un accompagnement jusqu’au recrutement.
Côté employeurs, les bénéfices ne manquent pas non plus : recrutement ajusté aux besoins, montage pédagogique et financier clé-en-main, suivi et intégration des candidats… « En plus d’apporter une réponse pragmatique à un problème de recrutement, la présence de personnes handicapées dans nos équipes est un avantage concurrentiel car plus les profils des collaborateurs sont variés plus les solutions que nous développerons seront innovantes » explique Charlotte Muller, chargée de projet Diversité & Inclusion chez CGI. L’entreprise, sous accord depuis 2006, collabore avec l’Agefiph depuis plusieurs années pour intervenir sur l’ensemble de la chaine de recrutement : de la conception d’un jeu de recrutement inclusif avec le CNRS à la réalisation de diagnostics pour identifier des opportunités d’emploi dans les DSI (diagnostic numérique & handicap) en passant par les dispositifs de formation adaptés qu’offre #THalent Digital. Chez CGI, une cinquantaine de personnes en situation de handicap, femmes et hommes, ont suivi des formations adaptées aux besoins de l’entreprise au sein des écoles partenaires Simplon et Webforce3 : remise à niveau pour certains, ajout de blocs de compétences pour d’autres, formations complètes pour les personnes en reconversion… Du point de vue de Charlotte, le point fort de #THalent Digital est le sourcing des candidats. « Grâce au réseau de partenaires du programme et avec l’aide du Révélateur THalent, qui permet de repérer le potentiel d’une personne handicapée à s’intégrer professionnellement dans les métiers du numérique, nous avons pu identifier des profils qui auraient certainement étés écartés dans un processus de recrutement classique, faute de diplômes ou d’expérience ». Pourtant, comme l’explique Christelle Room, Responsable Diversité chez Natixis/BPCE, « les compétences dans les métiers du numérique évoluent tellement vite qu’un investissement dans la formation est inévitable quel que soit le public. Partant de ce constat, toutes les innovations sociales sont possibles. Le numérique représente une formidable opportunité de faire évoluer les pratiques RH en changeant de logique de recrutement»
Mais ce pivotement n’est pas neutre. L’aventure doit être collective et requiert un engagement important de la part de l’ensemble des acteurs. « C’est l’EA DSI avec laquelle nous collaborions déjà qui a convaincu nos équipes des systèmes d’information d’agir en leur proposant de s’adapter aux candidats plutôt que l’inverse » raconte Christelle. « Avec l’aide de volontaires nous avons défini le contenu des formations, sensibilisé nos équipes à la problématique du handicap au travail et avons procédé aux aménagements techniques et opérationnels nécessaires. Nous avons également mis en place une hotline afin que les managers qui accueillent ces apprenants puissent poser leurs questions en toute liberté et confidentialité. » Chez Experis, même implication et même attention portée aux managers qui ont été accompagnés par un cabinet de conseil RH afin d’accueillir en toute bienveillance les 27 techniciens help desk qui ont bénéficié du programme #THalent Digital. « Les formations délivrées par les écoles partenaires, qui s’étendent sur 700 heures contre 400 habituellement et qui peuvent être suivies à distance permettent aux personnes en situation de handicap d’assimiler les compétences techniques à leur rythme et donc de gagner en confiance. En les mettant en réussite c’est l’entreprise toute entière que ces formations mettent en réussite et qui gagne en humanité» s’enthousiasme Virginie Le Forestier, Directrice du recrutement France chez Experis.
Concrètement, avec 500 candidats en situation de handicap accompagnés en deux ans dans le secteur du numérique, #THalent Digital est en train de transformer l’utopie en réalité et ce n’est pas fini : Charlotte, Christelle et Virginie comptent toutes les trois réitérer l’expérience et plutôt deux fois qu’une !
D’ailleurs, pour contribuer à l’accélération du mouvement en encourageant d’autres entreprises à les rejoindre, Natixis, Experis et CGI ont signé, en novembre dernier, comme une trentaine d’autres entreprises, la charte « J’agis pour l'inclusion dans les métiers du numérique » de l’Agefiph. « En tant que grande entreprise, nous avons les moyens de recruter en volume des personnes en situation de handicap et avons donc un rôle d’exemplarité à jouer notamment vis-à-vis des PME» conclut Virginie Le Forestier. D’autres entreprises peuvent y adhérer. Et pour relayer l’information côté bénéficiaires, rendez-vous à la 5e édition de la semaine des métiers du numérique organisée par Pôle emploi du 23 au 27 janvier 2023 qui proposera des ateliers découverte des métiers, des formations, des visites d’entreprises, des job dating et autres conférences thématiques. Il n’est jamais trop tard pour se mobiliser et saisir les opportunités d’emploi qu’offre le numérique !